dimanche 18 septembre 2011

Abus des bonnes choses



C'est étrange comment on se fait des amis dans la vie.

L'autre fois, c'était le meeting de la compagnie. Pas le party là, le meeting. Au lieu d'avoir un bar open et du bowling ya juste de la pizza et de la bière après, pour nous remercier d'avoir écouté. Ça parle de chiffres, d'argent, d'objectifs et le jeune fondateur de 24 ans multimillionnaire qui fait pu grand chose dans la compagnie nous divertit toujours avec ses conseils d'expérience, pendant que le CEO a l'air découragé au plus haut point.

C'est à ce moment-là que je me dis que le meeting serait beaucoup plus intéressant avec de la réglisse. Je me dirige dans l'une des cuisinettes (yen a une à chaque 15 mètres... faut pas trop stresser les programmeurs...) et en profite pour prendre 7-8 réglisses dans une main, 4-5 sachets de tylenol dans l'autre, on en a toujours besoin dans notre pharmacie. 

Je me redirigeais vers le meeting en jetant un dernier coup d'oeil derrière moi, dans la station à crap, en train de me demander si des nouilles Ramen aux crevettes épicées auraient bien pu accompagner la réglisse, quand la porte de la salle de bain s'ouvre.

BAM. Contact direct avec une artiste d'une autre équipe.

Mes réglisses et mes tylenols tombent à terre, mais le plus surprenant, c'est que mes vivres sont complètement enterrés par une marée de tampons. J'avais l'air d'une pickpocket de seconde classe avec mes tylenols, comparativement à elle, qui était manifestement en train de faire un vol qualifié très bien exécuté de tampons "régulier" de la salle de bains.

-Euh, désolée.
-Ouais, moi aussi.

On se penche par terre pour ramasser notre magot. Ya un malaise, mais pas tant que ça. On voit tout de suite qu'elle et moi, on a les mêmes gènes dans le sang.

-Aaaaah, c'est toi la dévoreuse de réglisses. Yen reste jamais quand j'en veux !
-Ben là, j'y vais pas tant que ça par jour, prendre des réglisses.
-...
-... genre, peut-être 6 fois.
-... voilà.
-Pis toi, tu as tu laissé un peu de tampons aux autres ? Tu sais qu'au lieu de prendre 20 réguliers, 7 super auraient fait la job.
-Ben là, je prévois pour les autres mois.
-Arrange-toi pour qu'il en reste la semaine prochaine, je prévois pu ça dans mon budget!
-Hahaha.
-Hahaha.

Et là on a eu un beau moment de complicité. Depuis ce temps-là, on mange ensemble le midi.

Elle m'a montré comment séduire le jeune préposé au buffet afin qu'il me donne un doggy bag pour la nourriture de souper (en lui parlant de Call of duty 4 et de Katy Perry), et aussi le ''secret stash'' de bepto bismol, le red-bull sans sucre, et comment débarrer la salle de maternité pour faire des siestes l'après-midi.

lundi 12 septembre 2011

"J'vas au gym eul'gros"



Ouais, bon, c'est pas exactement comme ça que ça se passe dans un gym de compagnie de vidéo. Tout le département de programmation était super excité quand la direction nous a appris qu'un gym à la fine pointe de la technologie allait ouvrir dans le building. Je me disais que j'irais faire un tour bientôt, vu que je commence à avoir un petit pneu de chips au vinaigre et de verres de terre en jujube en haut de la ceinture. De l'emergency fat, qu'on appelle.

Déjà 2 semaines après l'ouverture du gym, il est déjà désert. À 6h le soir, on est à peu près 4 dans ce gym intelligent, avec des télés fixées à chaque appareil et des adaptateurs à iPod partout, pour faire je sais pas quoi... Je connais pas ça les gyms. Je sais juste que voir un dude de 280 livres, avec une poitrine à faire rougir d'envie Pamela Anderson, faire de la marche rapide en fixant les deux yeux grands ouverts le spécial dessert sur le Food Network, ça me rend mal à l'aise. Comme si j'entrais dans son intimité.

(Bonne nouvelle par contre, on peut se reposer les yeux avec le jeune programmeur bronzé et musclé (l'exception qui confirme la règle), qui a décidé d'ôter ses lunettes fumées le temps de se promener un peu sur les mains afin de bien mettre en valeur ses triceps bien développés. Faut juste s'assurer de ne pas laisser notre bouche entre-ouverte en le regarder trop longtemps, ça nuit à la crédibilité)

Je me suis mise moi aussi sur une machine au hasard, en écoutant une émission de mariage sur TLC, quand un geek gênant est apparu de nulle part près de ma machine, en me faisant quasiment le saut, avec sa coupe champignon et ses lunettes d'Harry Potter.

Un geek gênant, c'est la sorte de geek dont tu as déjà refusé 4 fois l'amitié sur Facebook parce que tu lui avais jamais parlé au travail. C'est la sorte de geek qui, au lieu de prendre ça comme un "Laisse-moi tranquille, tu as l'air étrange", a pris ça comme un "Je devrais essayer de lui parler plus, peut-être que l'on va devenir proches". C'est ainsi qu'à chaque fois qu'il me disait allô dans le corridor, et que je lui répondais, inévitablement j'avais une demande d'amitié Facebook dans les deux heures qui suivaient. Et le geek gênant est du type étrange que te souhaite "Bonne fête en avance !" deux jours avant la date de ta fête dans la ligne pour le pâté au poulet le midi. Habituellement, tu essaies de rester un peu plus loin d'eux autres. Par expérience.

Mais Winston, lui, rien ne l'arrête. Les écouteurs sur les oreilles, ma concentration à toute épreuve devant "4 weddings" à essayer de deviner qui va gagner la lune de miel gratiss, rien n'y fait. Je savais qu'il était au gym, je l'avais vu quand je suis arrivée prendre deux poids de 30 livres, les soulever une fois avec immensément de difficulté, les replacer, puis ensuite faire semblant de s'étirer pendant les 15 minutes qui ont suivi. Malaise.

Mais maintenant il était là, devant moi, la raie de sa coupe champignon luisante de sueur à seulement s'imaginer faire de l'exercice...

C'est là que j'ai remarqué qu'il portait un t-shirt dont les manches avaient été coupées au ciseau, certainement pour mettre l'accent sur ses biceps aussi gros que mon poignet et son bronzage très subtil, assez pour qu'on en voit la démarquation style t-shirt habitant. Il avait aussi jugé nécessaire de porter des gants d'haltérophilie, pour je ne sais quelle raison.

-Allo !!!!!
-Allo.
-Viens-tu au gym souvent ?
-Non.

Je ne jugeais pas nécessaire de lui demander "et toi".

-Moi pas mal, ouais. Je m'entraînais vraiment beaucoup à l'université, j'étais vraiment beef en fait, j'en ai perdu un peu, mais ça revient tranquilement.
-...

Il parlait et on aurait juste dit un paquet d'os blanchâtres, avec une cage thoracique proéminente qui montait et descendait sans arrêt, juché sur deux grands pieds blancs New Balance. S'il a déjà été musclé, moi je porte du 36D.

-Ouais c'est que je fais pas mal de sport ces temps-ci, je fais partie d'une équipe. Regarde, c'est notre gilet !

Il me pointe son t-shirt sauvagement déchiré, sur lequel il est écrit "I've got 99 problems but the snitch ain't one". Un intelligent mélange de Jay-Z et de vif d'or. On arrête pas le progrès. Il a cru aussi bon, pour clarifier devant mes yeux perplexes, et de me montrer ce qui était écrit dans son dos: "Silicon Valley Quidditch League". Oh, wow.

-C'est quoi, une ligue de quidditch d'Harry Potter virtuelle ?
-Non non, c'est la vraie affaire là. On est vraiment bon.
-Je comprends pas, la vraie affaire ? Vous volez dans les airs avec un balai ?
-Ben, presque ! On a un balai entre nos jambes, mais on vole pas. Ya des Cognards et on se pitche le ballon dans la face pour voler le Soufflard, pis après le lancer dans un des trois anneaux de but.
-Vous courez avec le balai entre les jambes ?
-Ben c'est un petit balai en plastique, mais ça ressemble vraiment aux vrais dans les films ! Bon, je continue à m'entraîner.

Winston avait l'air vraiment satisfait de lui-même, mais moi de mon côté j'avais comme une étrange image en tête, une équipe de geeks avec des faux tatous d'Hermions sur le chest, ensanglantés à cause qu'ils ont trop reçu de ballons dans la face, en train de courir les genoux collés en pingouins avec leur balai entre les jambes, en se criant des sortilèges de désarmement.

J'étais perplexe.

Finalement, après le gym, je suis retournée chez nous, et bien sûr une nouvelle demande d'amitié m'attendait sur Facebook.

Puis, je suis allée sur YouTube, et j'ai trouvé ça:


Oh wow.

dimanche 11 septembre 2011

Maladresse canadienne



Même si ça fait 6 mois que je suis su les États-Unis, il m'arrive souvent de me mettre les pieds dans les plats. Récemment, c'était lors d'une allocution surprise télévisée d'Obama. J'ai pouffé de rire au moment où il a terminé son discours en disant lentement, de façon dramatique, "and, God Bless AmAHrica", parce que je pensais que c'était une blague et que les présidents disaient juste ça dans les films d'Arnold avec des explosions.

Je me suis faite dire que j'étais ingrate envers le pays qui m'accueillait à bras grands ouverts alors qu'il n'était pas obligé, et que certains me considéreraient même comme une voleuse de job. La grosse Chicane avec un grand C. Avec du ressentiment dans l'sang.

Ça s'est continué aujourd'hui. J'allais su Walgreens m'acheter de la pâte à dents. Jusque là, pas encore un geste anti-américain.

J'attendais en ligne calmement pendant que la caissière s'engueulait avec une cliente sur le prix d'un sac de chips. Aux États-Unis, ya pas vraiment de tite loi qui te permet d'avoir un rabais quand il y a une erreur de prix. C'est un peu free for all. Donc les deux partis s'engueulent jusqu'à ce l'un abandonne, ce que la cliente a fait en pitchant son sac de chips et en foutant le camp.

-NEXT !
-Allô ! J'ai juste de la pâte à dents.
-Bon, ça fait 3$. Tout le monde est vraiment de mauvaise humeur aujourd'hui. C'est vrai que c'est pas une journée facile.
-Ben, la température est pas si mal que ça, ça va se dégager.

La caissière m'a tout de suite lancé un regard meurtrier, je le voyais même avec son cross-eyed qui louchait vers la section des boissons gazeuse. C'est comme s'il était réfléchi des millions de fois et me poignardait. Oui oui. Mais je ne comprenais pas pourquoi. Je m'étais même pas engueulée sur le prix, j'avais rien volé, yavait pas le mot "happiness" donc j'ai pas pu dire le mot pénis par inadvertance, j'avais une hygiène presque irréprochable.

-Tu me niaises, là ?
-Euh... hein ?
-Tu penses qu'aujourd'hui le monde va mal à cause de la TEMPÉRATURE ?
-Ben, j'sais pas, je crois que ça va se dégager...
-Avec ton ACCENT, j'imagine que tu ne viens pas d'ici.
-Ben...
-Le 11 septembre 2001, ça te dit quelque chose ?
-Oh...
-Mets-en, OH. Des milliers de personnes sont mortes à cause des terroristes, des milliers d'autres à la guerre pour défendre notre DIEU et notre LIBERTÉ contre les maudits terroristes, et toi tu as une pensée pour la TEMPÉRATURE ?
-...
-Tiens, prends ton change, pis pense à ceux qui meurent à chaque jour pour que tu puisses te promener librement dans cette rue.

Après je me suis sentie un peu honteuse, et j'ai pensé pendant au moins 30 secondes à m'acheter un t-shirt "God will never forget 9/11" avec un aigle à tête blanche et un gun dessus, et ensuite m'installer dans un café pour lire sur les théories de conspiration. J'aurais peut-être du être plus attentive quand l'hymne national américain jouait avant les parties de hockey.

lundi 5 septembre 2011

Milieu de travail multiculturel

C'est un peu comme ça mon travail, sauf remplacer la langue menacée par le mexicain.

De nos jours, l'industrie du jeu vidéo est plus diversifiée qu'une saison de Fort Boyard. Surtout culturellement. Nous autres, au lieu d'avoir des Felindra, nos spécialistes sont plus souvent qu'autrement des asiatiques. Pendant que l'on travaille, eux ils dorment.

Pendant qu'on dort, ils travaillent deux fois plus que nous, tout en gagnant la moitié de notre salaire. 

Ils rêvent de venir s'établir aux États-Unis, même si c'est au Missouri dans un shack en carton, afin de vivre le rêve américain et d'avoir un fusil. Sont pas ben ben différents de moi dans le fond.

Cette semaine, un Indien de notre bureau à l'autre bout du monde est venu faire un tour sur la Vallée du Silicone pour le prochain mois. Abishek le programmeur n'était jamais sorti de l'Inde, et sa première semaine a bien sûr concordé avec un évènement spécial au bureau.

(NDRL: Dans la Vallée du Silicone, c'est aussi facile de changer de job que de se mettre In an Open Relationship avec le profil que tu as créé pour ton chien sur Facebook. C'est pourquoi, à chaque deux mois, le studio a un après-midi de congé pour faire une activité de team building avec un bar open: go-kart, barbecue, film de guns et de grosses boules en avant-première, etc. De cette façon, tu es supposé trouver ta job cool et centrée sur l'humain et non pas sur la piasse. Oooh !)

C'était un genre de bowling cosmique comme il y avait durant mon adolescence à Brossard. Sauf version bureau. Black lights, boules de bowlings fluorescentes, filles des ressources humaines créant un malaise par le port de chandail bédaine, pièce de Karaoke séparée pour les hauts placés qui ont bu un peu trop de Jagerbombs, gars des services techniques qui en profitent pour donner leur show d'animateurs de foule en criant comme Chewbacca. Un party de bureau très très conventionnel, quoi.

Mais pas pour Abishek. Abishek est un jeune homme frêle et gêné, et la seule fois qu'il a interagi avec une boule de bowling, c'est sur son écran d'ordinateur. Il m'a dit qu'il n'avais jamais joué au bowling avant donc il a cherché un jeu flash sur internet afin d'en apprendre les bases. Il faisait des parties parfaites après sa 5e partie. 

Une fois au coeur de l'action, on pouvait voir qu'Abishek était un peu dépassé par les événements. Le show de lumières disco et la musique de Bon Jovi dans le piton semblait être à deux doigts de lui causer une crise d'épilepsie, il enlignait dalot par-dessus dalot, en plus toute la pile de nourriture (doigts de poulet panés, nachos mouillés avec surplus de vieille guacamole, pizza 7 viandes...) ne semblait pas faire partie de son régime habituel.

Moi: Ça va Abishek ?
Abi: Oui.
Moi: Veux-tu quelque chose à manger ?
Abi: Pas vraiment, non.
Moi: Ok.
Abi: Tout ça, ça finit quand habituellement ?
Moi: Ben tu peux partir quand tu veux ! 
Abi: Je suis venue avec Michelle, je sais pas trop si elle est prête à partir.

Michelle, sa manager, était au bar depuis un bon 15 minutes, enlignant les shooters de Tequila, remplaçant le fameux citron final par une poignée d'onion rings à chaque fois.

Moi: ...
Eric: HEY SALUT ABI !!!!!!!!!!1111 COMMENT SE PASSE LE PARTY ???????
Abi: C'est le fun.
Moi: ...
Eric: VIENS AVEC NOUS AUTRES AU BAR, ON EST EN TRAIN DE SE FAIRE UNE LIGNÉE DE  SLIPPERY NIPPLES, TU VAS VOIR C'EST VRAIMENT EXCELLENT !!!!!! TU SAIS TU C'EST QUOI DES NIPPLES HEIN TU COMPRENDS CE MOT-LÀ EN ANGLAIS ????
Moi: Eric, Abishek il boit pas.
Eric: HEIN QUOI HEIN BEN NON ABI VIENS-T'EN AVEC NOUS AUTRES !!!!!!!!!!!!!!!! EILLE JACK CHECK ÇA QUI CÉ J'AI PÊCHÉ !!!!

C'est alors qu'Abishek est allé au bar enligner les Slippery Nipples. J'étais un peu inquiète parce qu'il m'a dit que la seule fois qu'il avait bu dans sa vie était une bière la journée de ses 18 ans.

Après deux-trois pointes de pizza de mon côté, ma conscience m'appelait. Fallait que je trouve où était rendu Abishek. Il n'étais plus au bar, ce qui pouvait ou non constituer une bonne nouvelle.

Il n'étais plus sur aucune allée de quilles, ce qui m'a rassurée parce que je suis pas vraiment certaine que son voyage incluait une assurance santé sur un pied cassé, causé par une échappée de boule de bowling.

Il ne semblait pas non plus dans la salle de karaoke, où 4 filles des ressources humaines bronzées avec un chandail bédaine étaient en train de chanter Like a Virgin de Madonna.

Il me restait les toilettes... bon, fallait que je trouve un programmeur à jeun et lui expliquer le problème, et qu'il aille explorer les toilettes remplies d'autres programmeurs malades...

"I REALLY LIKE THE AMERICAS AND MADONNA. SHE IS BIUTIFULLL"

Mais, la voix d'Abishek ? Qui provient de la salle de karaoke ? Oh shit. Oh shit.

Ce n'était pas 4 filles des ressources humaines bronzées en bédaines, mais 3 filles des ressources humaines bronzées en bédaine. Et Abishek, avec un noeud dans son polo déboutonné, dont on lui avait "poppé" le collet, en simili-bédaine, un collier hawaiien avec plein de noeud autour du front.

Il était en train d'enchaîner avec Like a Prayer, bras dessus, bras dessous avec les chicks des RH, les yeux dans la graisse de bine, un sourire et une démarche un peu chancelants... Il était trop tard.

Deux jours plus tard, Abishek était convoqué dans les bureaux des ressources humaines.

Son contrat aux États-Unis était allongé jusqu'à 6 mois, il "fait vraiment du beau travail, est définitivement un joueur d'équipe exceptionnel qui a rapidement su s'adapter au rythme de vie demandant du marché américain".

Yééé.